Centre de Sécurité de Phnom Kraol

Posted 02 décembre 2015 / Mis à jour 16 janvier 2017
Democratic Kampuchea Zone
Democratic Kampuchea District
Democratic Kampuchea Sector
Current Day District
Current Day Province
Alleged Crimes

[Avertissement: Le contenu dans les ordonnances de clôture sont des allégations, qui doivent être prouvées par des débats contradictoires. En tant que tel, les allégations ci-dessous ne peuvent pas être traitées comme des faits, sauf si elles ont été établies comme telles par un jugement définitif.]

Extraits de l’ordonnance de clôture du Dossier 002:

Emplacement et création

625. Le Centre de sécurité de Phnom Kraol était situé dans le district de Koh Nhek, Sous-district de Sre Sangkum, dans la province de Mondulkiri Ce centre était associé à son voisin, le Bureau K-11 du Secteur 105, ainsi qu’au secrétariat du Secteur 105, dont le Bureau K- 17 était le quartier général. Selon le système d’identification des frontières administratives du Parti communiste du Kampuchéa, il se trouvait dans le Secteur 105, aussi connu sous le nom de Secteur de Mondolkiri. Il existait déjà en 1975. Le Mondolkiri était sous le contrôle de la Zone Nord-Est jusqu’à la fin de 1976, année où il devint autonome et passa sous l’autorité directe du Centre.

626. La prison de Phnom Kraol était une installation d’une seule pièce faite de piliers en bois, d’un sol de treillis de bambou et d’un toit de chaume. K-17, un bâtiment de deux étages aux murs de bois et au toit de zinc, faisait fonction de Bureau pour le secrétaire du Secteur 105 et servit lui-même également, brièvement, de centre de détention. K-11 était situé approximativement à 1 km au nord-est de la prison de Phnom Kraol et servait aussi bien de centre de détention que de bureau militaire. C’était un bâtiment de bois aux murs de bambou, avec un toit de chaume et un sol de contreplaqué.  

627. Trapeang Pring (aussi connu sous le nom de Tuol Khmaoch), le site d’exécution du centre de sécurité, se trouvait à 4 km environ de Koh Nhek, sur la route de la province de Kratie.

Fonctionnement

Organisation et personnel

628. Parmi les secrétaires successifs du Secteur 105, qui étaient basés à K-17, on trouve Ham, alias Laing dont l’alias deviendra plus tard Chhan (décédé en 1977 dans des circonstances peu claires) et, en septembre 1978, [CAVIARDÉ]. Après la mort de Laing, le secteur a subi de lourdes purges dont certaines des victimes arrêtées ont été envoyées à Phnom Kraol. Parmi les chefs adjoints, on trouve Sau Kim An alias Mey (arrêté le 8 décembre 1977), Cham, Phak et Lork. Kham Phoun (décédé en 1977 dans des circonstances indéterminées) était chargé des affaires économiques. Sophea était membre du comité du secteur 105 et responsable des affaires militaires et de la sécurité jusqu’à son arrestation en novembre ou décembre 1978.

629. La Division centrale 920, qui était deployée dans le Mondulkiri a la fin de 1975 avait reçu pour instruction de coopérer avec les autorités locales et rapporter, et de leur rapporter ainsi qu’à l’Etat major. La Division 920 a été purgée en 1976 et des cadres ont été envoyés au Centre du PCK et ce dernier à également envoyé à la Division 920 des aveux et le Centre a envoye au secteur des aveux de personnes de la Division 920 impliquant les autorités locales.

630. Le Centre de sécurité de Phnom Kraol était sous direction militaire. Les forces militaires du secteur comprenaient deux bataillons, le Bataillon 1 et le Bataillon 2, ce dernier disposant d’un contingent dans la région de Phnom Kraol avec Leng au poste de secrétaire jusqu’à ce qu’il soit arrêté en février 1978. Le commandant de compagnie adjoint était [CAVIARDÉ], et [CAVIARDÉ] était le membre.

631. Le chef du Centre de sécurité de Phnom Kraol était Leng, [CAVIARDÉ] servant de chef adjoint et [CAVIARDÉ] de membre du comité et selon plusieurs témoins de chef de Phnom Kraol après l’arrestation de Leng. Le comité de secteur et les militaires relevaient directement du Centre.

632. Un flot constant d’informations circulait entre les autorités centrales et le Secteur 105 et des messages dactylographiés codés s’échangeaient dans les deux sens entre le District et les autorités centrales via K-17. K-17 envoyait des instructions aux districts, et préparait également les rapports quotidiens de performance des districts. Le secrétaire du Secteur 105 relevait directement de l’autorité centrale et sollicitait ses instructions concernant notamment les suspects. Les interrogatoires des espions « vietnamiens » faisaient l’objet de rapports. Les documents étaient principalement envoyés au Bureau 870 et à K-3. Les messages relatifs à la santé ou aux affaires sociales étaient dactylographiés en langage ordinaire et envoyés à Khieu Samphan, qui renvoyait ensuite ses instructions. Les messages relatifs aux questions de sécurité étaient envoyés à Nuon Chea. Un témoin précise : « … Nuon Chea donnait continuellement des directions (sic) portant sur le travail de sécurité, sur la vigilance, de peur qu’il y ait des ennemis vietnamiens ou des ennemis infiltrés, sur l’ambition des Vietnamiens, sur le travail moral, qui devaient être rediffusé[e]s aux districts ».

633. Un témoin indique que des réunions mensuelles se tenaient à K-11 auxquelles participaient le comité de secteur, l’armée de secteur et les comités de district. D’autres témoins déclarent que les réunions se tenaient dans les centres éducatifs du secteur et du district et que le comité de secteur « rapportait les paroles de l’échelon central », précisant qu’il fallait « surveiller des ennemis infiltrés (en relation avec des Vietnamiens) et des traîtres ».

Arrestations et détentions

634. Tous les anciens détenus de Phnom Kraol qui ont été entendus déclarent avoir été arrêtés parce qu’on les soupçonnait de traîtrise envers la révolution, soit du fait de leur association avec les Vietnamiens, soit du fait de leurs prétendues connexions avec la CIA. Les accusations étaient généralement portées durant les réunions de critique/autocritique : « Tous les soirs, après le repas, ils convoquaient la réunion pendant laquelle ils nous accusaient d’être agents de la CIA ». Les prisonniers étaient force d’écrire leurs biographies.

635. Certains ont été arrêtés par les cadres du Parti et emmenés de force à Phnom Kraol, d’autres furent arrêtés à K-17 après avoir été invités à une réunion. Certaines arrestations étaient décidées par le secrétaire du secteur et mise en œuvre par les membres du secteur en charge des affaires militaires, avec l’aide des militaires et des cadres en charge de la sécurité du secteur. La Division 920 avait le droit de procéder aux arrestations des cadres et civils ainsi que des militaires du secteur, sur la base de listes de personnes à emprisonner détenues par le secrétaire [CAVIARDÉ]. Certains prisonniers ont d’abord été détenu par les autorités en charge de coopératives ou de districts avant d’être transféré à Phnom Kroal.

636. Un ancien prisonnier déclare avoir été pendu, la tête en bas, par les chevilles, pendant 24 heures, à son arrivée au centre de sécurité. Un autre se souvient avoir eu les jambes attachées à un banc et les mains liées dans le dos, tandis que d’autres rapportent avoir été enchaînés par des fers à leur arrivée au centre. Les fers variaient en taille pour enchaîner les prisonniers, ceux-ci étant maintenus isolément ou par groupe de quatre ou cinq, voire parfois jusqu’à une vingtaine. Tous les prisonniers étaient enchaînés la nuit mais, selon certains témoignages, les auteurs d’infractions mineures étaient détachés et emmenés au travail durant la journée.

637. À l’intérieur de K-11, les prisonniers étaient détenus de manière temporaire, dans des conditions similaires. En novembre 1977, 40 prisonniers étaient détenus au rez-dechaussée de K-17 et cinq autres au premier étage. Pour ce qui concerne le nombre de détenus à Phnom Kraol, un témoin affirme en avoir vu 80, un autre 385.

638. Quelques prisonniers à Phnom Kraol étaient forcés à travailler durant la journée, gardant les mains liées durant leur labeur. Les prisonniers étaient placés sous surveillance constante. La nourriture était insuffisante et les détenus étaient généralement, de ce fait, affaiblis et émaciés.

Interrogatoires

639. Plusieurs témoignages montrent que les détenus étaient sévèrement maltraités durant les interrogatoires à Phnom Kraol. Un témoin se rappelle avoir été pendu la tête en bas et interrogé. Un autre a vu un enfant de huit ans, fils d’une prisonnière, être pendu la tête en bas par les gardes, jusqu’à ce que ses yeux saignent. Selon d’autres témoins, les mauvais traitements graves n’étaient pas communs, si tant est qu’on les pratiquait. Un témoin déclare que « [l]’interrogatoire se faisait sans torture, mais avec des menaces (…) », ce que corrobore un soldat ayant travaillé à Phnom Kraol.

640. Durant les interrogatoires, les prisonniers étaient questionnés sur leurs liens allégués avec la CIA et/ou des réseaux vietnamiens.

Exécutions et disparitions

641. Selon un témoin, les prisonniers envoyés à Phnom Kraol avaient peu de chance de survivre. Les anciens détenus se rappellent comment certains de leurs compagnons furent battus à mort et dans quelles conditions ils ont vu des personnes être emmenées la nuit pour ne plus revenir. Un témoin, parlant de K-11, déclare : « J’ai vu qu’environ 30 personnes y étaient transférées tous les deux ou trois jours. Ceux qui étaient transportés dehors seraient exécutés ». Un témoin rapporte qu’un garde de la prison de K-11 lui disait que les prisonniers n’étaient gardés que deux ou trois jours avant qu’on ne les exécute.

642. Les exécutions se produisaient habituellement à Trapeang Pring, un site d’exécution situé à 4 km environ de Phnom Kraol, sur la route menant à la province de Kratie. Les prisonniers étaient emmenés en groupe vers le site d’exécution. Un témoin, qui vivait à proximité, confirme qu’environ 200 victimes, hommes et femmes, ont été enterrées dans une fosse à Trapeang Pring. En d’autres occasions, les prisonniers étaient exécutés aux abords de la prison de Phnom Kraol.