Rappel des faits et rôle
Him Man vivait dans le village de Sach Sou dans le district de Kang Meas, province de Kampong Cham, un village cham durant la période du Kampuchéa démocratique.
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Il a témoigné en tant que partie civile dans le dossier n°002/02 sur le traitement des Chams par le Parti communiste du Kampuchéa.
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La Chambre de première instance s’est appuyée sur son témoignage pour conclure : i) que les Chams n’ont plus pu pratiquer leur religion et leur culture à partir de 1975 ;
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ii) que la population chame qui vivait au Cambodge devait s’assimiler à une nation et une identité khmère uniques ;
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et iii) que les Chams étaient arrêtés et tués.
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Changement de traitement des Chams
Him Man a décrit la situation des Chams au Cambodge avant 1975, notamment la liberté de parler leur propre langue et de pratique leur propre religion, ainsi que celle de porter leurs propres vêtements.
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Cependant, il s’est souvenu avoir été invité en 1975 afin de participer à une réunion où on lui a dit qu’il y avait des instructions de l’échelon supérieur
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ordonnant aux Chams de se faire couper les cheveux, de ne pas se couvrir la tête d’un krama, de ne pas prier chaque jour ni de pratiquer un quelconque rite lié à l’Islam, et de manger du porc, au risque d’avoir leurs membres coupés.
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Après la réunion, il a décrit que les Chams étaient « constamment surveillés par les miliciens ».
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Bien que des rébellions aient été fomentées dans le district de Kroch Chhmar, Him Man a décrit que les Khmers rouges les ont écrasées en quelques jours et que les restrictions à l’encontre des Chams n’ont fait qu’empirer.
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Il a souligné que la destruction de Koh Phal après la rébellion a été utilisée pour avertir les autres Chams de ne pas résister au régime.
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Il a également témoigné sur le fait que le chef de son village a annoncé que les Khmers rouges « voulaient que nous . »
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Selon Him Man, les Chams étaient forcés de manger du porc une armé pointée sur eux et certains pleuraient en mangeant.
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Il se souvient qu’une annonce a été fait que toute personne qui refusait de manger du porc s’opposait à Angkar.
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La Chambre de première instance s’est appuyée sur le témoignage de Him Man pour conclure que : i) avant 1975, les Chams avaient leur propre langue et leur propre écriture, portaient des vêtements traditionnels différents des autres Cambodgiens,
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et avaient peu ou prou de restrictions à leurs pratiques religieuses et culturelles ;
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ii) les Chams entretenaient de bonnes relations avec les Khmers avant 1975, notamment dans les zones sous le contrôle des Khmers rouges, et qu’ils ont pu pratiquer leur religion librement jusqu’en 1972 ;
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iii) les Chams qui vivaient au Cambodge composent un groupe religieux et ethnique distinct ;
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iv) il y a eu une augmentation sensible des restrictions de l’échelon supérieur interdisant aux Chams de pratiquer leur religion et leur culture en 1975
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v) le Parti communiste du Kampuchéa a écrasé les rébellions chames fomentées de septembre à octobre 1975 et cela a empiré la situation pour les Chams ;
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vi) le Parti communiste du Kampuchéa a spécifiquement visé la population chame qui vivait au Cambodge dans un programme visant à les assimiler totalement dans une nation et une identité khmères uniques ;
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vii) les Chams étaient contraints de manger du porc et s’ils refusaient, les conséquences étaient graves ;
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et viii) les Chams étaient spécifiquement visés et s’ils refusaient de suivre les instructions restreignant leurs pratiques religieuses, ils étaient considérés comme des opposants à Angkar et punis.
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La Chambre de la Cour suprême a également cité le témoignage de Him Man pour conclure que la Chambre de première instance a raisonnablement conclu qu’afin d’éliminer les différences des Chams, leur religion et leurs pratiques étaient interdites, et que l’interdiction stricte du porc ou des produits porcins n’était pas tolérée.
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Évacuation et exécutions de Chams
Him Man a déclaré qu’après l’évacuation d’avril 1975 des Chams dans le village de Sach Sou, seule une trentaine de familles chames sont restées dans le village des 200 ou 300 qui y vivaient auparavant.
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Il a remarqué que le chef du village, qui était un Cham musulman, a été emmené et exécuté.
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Il se souvient qu’un jour l’Unité aux longues épées l’a emmené ainsi que sa femme en direction de Wat Au Trakuon mais qu’ils sont parvenus à s’enfuir.
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Him Man a expliqué comment il s’est caché dans le noir derrières des buissons à 100 mètres des fosses aux abords de Wat Au Trakuon et il a entendu les Chams invoquer Allah au moment d’être exécutés.
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Lui et sa femme se sont cachés à divers endroits du village durant trois mois et 29 jours, durant lesquels il a senti la puanteur des cadavres.
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Il a décrit que, une fois capturé par l’Unité aux longues épées, ils ont été battus et emprisonnés dans une grange à maïs à Sambuor Meas avant d’être emmenés pour être exécutés dans la pagode d’Au Trakuon,
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même s’ils ont fini par être épargnés parce qu’ils n’étaient associés avec personne et que lui savait nager, fabriquer des cuillers, fondre le métal et démêler les filets au fond de la rivière.
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Il a ajouté que bon nombre de membres de sa famille ont disparu après avoir été rassemblés par l’Unité aux longues épées.
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Après 1979, il se souvient avoir vu des charniers près du centre de sécurité de Wat Au Trakuon, avec une grande quantité d’os à l’intérieur.
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La Chambre de première instance s’est appuyée sur le témoignage de Him Man pour conclure que : i) dès la chute de Phnom Penh, des instructions interdisant les pratiques religieuses et culturelles chames ont été imposées à divers endroits de la zone centrale (anciennement nord) ;
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ii) que des centaines de Chams ont été arrêtés par des membres de l’Unité aux longues épées début 1977 et emmené à Wat Au Trakuon ;
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et que iii) Him Man et son épouse étaient les deux seuls Chams à avoir survécu à la période du Kampuchéa démocratique dans le village de Sach Sou.
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La Chambre de la Cour suprême a également conclu que Him Man faisait clairement référence à l’arrestation de personnes chames et que le fait qu’il fût lui-même cham et ait été épargné n’indiquait pas que les arrestations étaient indiscriminées, écartant dès lors comme infondée l’affirmation de Khieu Samphân selon laquelle le témoignage de Him Man indiquait
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que les arrestations étaient indiscriminées.
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