Rappel des faits et rĂŽle
Seng Kuy Ă©tait un agriculteur khmer du village dâAngkor Ban 2, une commune dâAngkor Ban, dans le district de Kang Meas, province de Kampong Cham, dâavril 1975 Ă janvier 1979.
1
Selon lui, « [a]prÚs que les Khmers rouges ont pris le contrÎle de mon village, moi j'étais un esclave comme les autres. Et on m'a affecté au labourage et à la riziculture jusqu'à la fin du régime ».
2
Il a témoigné devant la Chambre de premiÚre instance dans le cadre du dossier n° 002/02 sur le traitement, les arrestations et les exécutions de Chams dans sa région pendant la période des Khmers rouges.
3
Traitement des Chams
Selon Seng Kuy, les Chams ont conservé leur identité ethnique, culturelle et religieuse distincte pendant des siÚcles depuis leur arrivée et leur installation au Cambodge.
4
Avant 1975, les Chams pratiquaient lâIslam et portaient des vĂȘtements traditionnels diffĂ©rents de ceux des autres Cambodgiens.
5
Les femmes portaient des foulards clairs (« kramas ») et de longues robes, tandis que les hommes portaient des chapeaux, des sarongs et des robes drapées.
6
Ils ne mangeaient pas de porc, contrairement au peuple khmer.
7
Seng Kuy a dĂ©clarĂ© que, lorsque les Khmers rouges ont pris le contrĂŽle de la commune dâAngkor Ban en avril 1975,
8
ils ont interdit aux Chams de pratiquer leur religion et de parler leur langue et leur ont imposé un mode de vie khmer qui impliquait la consommation de viande de porc.
9
Il a Ă©galement rappelĂ© le transfert dâenviron 15 Ă 16 Chams dâautres villages de la commune vers le village dâAngkor Ban 2 en 1976.
10
Il a pu les identifier comme étant des Chams car il les a entendus parler en secret la langue chame entre eux.
11
Arrestations et exécutions de Chams
Seng Kuy a racontĂ© avoir assistĂ© Ă lâarrestation dâune quinzaine de femmes, dâhommes et dâenfants chams dans son village :
12
« Je lâai vu de mes propres yeux. Aux alentours de 1977, un soir, vers 20 heures, les Cham et les Khmers sont revenus de la riziĂšre et nous avons pris notre repas ensemble dans le rĂ©fectoire commun. Ce soir-lĂ , les forces de sĂ©curitĂ© sont venues pour arrĂȘter les Cham. Ils nâont pas arrĂȘtĂ© seulement une personne, ils ont arrĂȘtĂ© tous les Cham qui habitaient dans le village numĂ©ro 2. Lâarrestation a eu lieu dans le rĂ©fectoire, lĂ oĂč ils prenaient leur repas en commun avec les Khmers. Et moi j'Ă©tais lĂ , je prenais aussi mon repas dans le rĂ©fectoire commun ».
13
Seng Kuy a dĂ©clarĂ© quâaprĂšs lâarrestation, le chef adjoint du village lui avait ordonnĂ© de transporter les Chams Ă la pagode de Wat Au Trakuon, la nuit, Ă lâaide de cinq ou six chars Ă bĆufs.
14
Les Chams ont Ă©tĂ© reçus par une personne qui, dâaprĂšs lui, Ă©tait un agent de sĂ©curitĂ© du district.
15
Il ne les a pas vus revenir aprĂšs quâils ont Ă©tĂ© emmenĂ©s Ă la pagode.
16
AprĂšs avoir entendu le chef de la sĂ©curitĂ© communale reprocher aux Cham dâavoir trahi lâAngkar, Seng Kuy a compris que câĂ©tait « pourquoi ils faisaient lâobjet dâune purge ».
17
Il a déclaré que les Khmers rouges voulaient constituer une seule race pure.
18
Seng Kuy a dĂ©clarĂ© que les personnes arrĂȘtĂ©es nâavaient rien fait de mal et Ă©taient innocentes.
19
Run, qui occupait un poste au sein des forces de sécurité de la commune, était responsable des arrestations.
20
Les gens lâappelaient le boucher ou le bourreau parce quâil tuait les gens sans les interroger.
21
AprĂšs la chute du rĂ©gime des Khmers rouges en 1979, Run a Ă©tĂ© « dĂ©coupĂ© en morceaux par les gens » de la commune dâAngkor Ban qui lui en voulaient parce que « câĂ©tait lui qui avait arrĂȘtĂ© des proches et membres de leurs familles ».
22
Seng Kuy a dĂ©clarĂ© quâaprĂšs la chute du rĂ©gime khmer rouge, il avait participĂ© Ă une rĂ©union au cours de laquelle le nombre de personnes dĂ©cĂ©dĂ©es Ă Wat Au Trakuon pendant le rĂ©gime avait Ă©tĂ© estimĂ© Ă 30 000.
23
La Chambre de premiĂšre instance sâest appuyĂ©e sur le tĂ©moignage de Seng Kuy, entre autres Ă©lĂ©ments de preuve, pour conclure que : i) le Parti communiste du KampuchĂ©a a imposĂ© par la force des restrictions aux pratiques religieuses et culturelles des Chams en divers endroits de la province de Kampong Cham ;
24
ii) la plupart des Chams ne se sont pas opposĂ©s Ă ces restrictions de peur dâĂȘtre emmenĂ©s pour ĂȘtre tuĂ©s ;
25
et iii) les Chams de diffĂ©rents villages du district de Kang Meas ont Ă©tĂ© systĂ©matiquement arrĂȘtĂ©s et amenĂ©s Ă Wat Au Trakuon en 1977 pour y ĂȘtre exĂ©cutĂ©s.
26
Videos


