Le Traitement des Vietnamiens

Posted 04 août 2015 / Mis à jour 02 décembre 2015
Democratic Kampuchea Zone
Democratic Kampuchea District
Democratic Kampuchea Sector
Current Day District
Current Day Province
Alleged Crimes

[Avertissement: Le contenu des ordres de fermeture sont des allégations qui doivent être prouvées par des débats contradictoires. En tant que tel, les allégations ci-dessous ne peuvent pas être traitées comme des faits, sauf si elles ont été établies par un jugement définitif.]


D. MESURES DIRIGÉES CONTRE DES GROUPES SPÉCIFIQUES

205. L’une des cinq politiques mises en œuvre pour réaliser et défendre la révolution socialiste par tous les moyens nécessaires consistait à prendre des mesures contre des groupes spécifiques. Cette action a affecté directement ou indirectement de nombreux groupes présents au Cambodge à l’époque des faits. Les co-juges d’instruction ont été spécifiquement saisis d’actes visant les groupes cham, vietnamien et bouddhiste ainsi que les anciens responsables (notamment les fonctionnaires, les militaires et leurs familles) de la République khmère, ces actes ayant été commis par le PCK en divers endroits du Cambodge dès avant 1975, aux premiers stades de sa prise de contrôle de certaines portions du territoire, et jusqu’au 6 janvier 1979 au moins.

206. Les co-juges d’instruction ont été saisis de mesures dirigées contre les Chams dans les Zones Centrale, Est et Nord-Ouest, contre les Vietnamiens dans les provinces de Prey Veng, de Svay Rieng (Zone Est) et lors d’incursions au Vietnam, contre les bouddhistes dans tout le Kampuchéa démocratique, et contre les anciens responsables de la République khmère lors du déplacement de la population de Phnom Penh. Ce dernier évènement constitue l’un des nombreux exemples d’un ensemble de mesures visant les anciens fonctionnaires de la République khmère.

207. Un des objectifs de cette politique était l’instauration, par l’abolition de toutes les différences ethniques, nationales, religieuses, sociales et culturelles, d’une société athée et homogène sans divisions de classe. Cet objectif est attesté par des documents du Parti relatifs à la question des classes. En 1974, un article de Pol Pot publié dans l’Étendard révolutionnaire faisait valoir qu’il existait au Cambodge une « classe spéciale » constituée « [d]es soldats, des agents de police et des bonzes ». Selon les notes prises par des cadres et se référant apparemment audit article, toutes les minorités nationales étaient elles aussi considérées comme faisant partie d’un « type de classe spécial et séparé ». D’autres classes, tels les féodaux, les capitalistes et les bourgeois, étaient décrits comme des opposants à la révolution. En septembre 1975, la mise en œuvre de cet objectif a connu une évolution quand le PCK a proclamé l’abolition de ces classes et de la classe spéciale séparée, déclarant que seules existaient les classes des travailleurs et des paysans, toutes les autres s’étant fondues dans ces deux groupes. À ce moment ou peu après, la radio de Phnom Penh a fait pour la dernière fois mention des moines bouddhistes, des Chams et d’autres « minorités nationales ». Bien que les hautes autorités du Parti eussent continué à parler, jusqu’en 1976, d’une population cambodgienne comprenant des nationalités non khmères, il a été officiellement annoncé en août 1977 que l’abolition et l’assimilation de fait des minorités nationales était telle que l’on pouvait parler d’un pays à « 99 pour cent » khmer. Un autre objectif de cette politique était d’éliminer les ennemis et de détruire en tout ou en partie certains groupes comme tels. Les mesures dirigées contre des groupes spécifiques occupaient une place importante dans « tous les efforts possibles » entrepris par le PCK pour que la situation fût « bénéfique à la révolution »

Dates et Participation

213. Les mesures dirigées contre les Vietnamiens résultaient d’une politique qui existait avant 1975 et qui a continué de prendre de l’ampleur pendant la durée du régime, jusqu’au 6 janvier 1979 au moins. En 1973, le PCK a commencé à expulser les Vietnamiens du territoire cambodgien et à les renvoyer au Vietnam, une politique qui avait déjà été pratiquée par le gouvernement de Lon Nol, dès 1970. Les expulsions se sont poursuivies en 1975 et en 1976. Le numéro d’avril 1976 de l’Étendard révolutionnaire évoquait l’expulsion des Vietnamiens du territoire cambodgien en ces termes : « Notre mouvement a balayé des centaines de milliers d’étrangers, en les expulsant tous […] de notre pays, hors de notre territoire définitivement ».

214. À partir d’avril 1977, l’intention du PCK était de pousser plus loin cette politique par la destruction totale ou partielle du groupe vietnamien comme tel. Ce fait est attesté par le numéro d’avril 1977 de l’Étendard révolutionnaire qui appelait directement à tuer tous les membres de la communauté vietnamienne se trouvant encore au Cambodge. Il engageait les masses à « rechercher » les Vietnamiens et à les « écraser », déclarant notamment ce qui suit : « Quant à leurs vieilles racines [qui resteront] une fois qu’on les aura extermin[é]s, nous nous mettrons à stimuler les masses populaires pour qu’elles les balayent […] à leur tour, pour faire place nette, une fois pour toute ». Des éléments attestant la mise en œuvre de cette politique sont fournis dans des communications entre zone et Centre. D’anciens cadres ont également confirmé que partout où il y avait des Vietnamiens, « [t]out le monde devait être vigilant pour trouver et éliminer ces ennemis infiltrés ». De fait, à partir de 1977, des massacres en masse de civils vietnamiens ont été perpétrés sur l’ensemble du territoire des provinces de Prey Veng et de Svay Rieng, dans la Zone Est. Des éléments indiquent également que des civils vietnamiens ont été pris pour cibles et tués à travers tout le Cambodge, comme exposé dans la section de la présente Ordonnance relative à la caractérisation factuelle des crimes en particulier dans les Zones Nord Est et Nord.

215. Le PCK a fondé sa politique de destruction du groupe vietnamien sur la théorie de la descendance matrilinéaire, à savoir qu’un Vietnamien marié à une Khmère devait être tué, mais son épouse et ses enfants épargnés, tandis qu’une Vietnamienne mariée à un Khmer devait être tuée, de même que ses enfants, mais son époux épargné. Cette pratique semble avoir été appliquée sur l’ensemble du territoire des provinces de Prey Veng et de Svay Rieng, de même que dans d’autres parties du pays.

Traitement des Vietnamiens

Introduction

791. Les Vietnamiens peuvent être considérés comme un groupe ethnique distinct, en ce qu’ils partagent une langue et une culture communes, s’identifient et se reconnaissent comme Vietnamiens et sont identifiés et reconnus comme tels par les autres groupes. Le PCK considéra lui aussi les Vietnamiens en tant que groupe national dans diverses déclarations publiques. En outre, les responsables du PCK considéraient que les Vietnamiens formaient un groupe racial en raison de facteurs biologiques, arguant en particulier de leur « filiation matrilinéaire », et les traitaient comme tels, invoquant des caractéristiques physiques héréditaires associées à la zone géographique du Vietnam.  

Données démographiques

792. D’après les conclusions du rapport d’expertise démographique daté du 30 septembre 2009, le Cambodge comptait quelque 400 000 Vietnamiens sur son territoire en 1970. Près de la moitié d’entre eux furent expulsés vers le Vietnam ou tués par le régime de Lon Nol la même année, tandis que 150 000 à 200 000 des Vietnamiens restants quittèrent le Cambodge après la prise du pouvoir par le PCK en avril 1975. Les auteurs du rapport en concluent que 20 000 Vietnamiens environ vivaient encore sur le territoire cambodgien en avril 1975 et que « pratiquement tous ont été tués par les Khmers rouges entre avril 1975 et janvier 1979 ».

793. Il semble que le nombre de Vietnamiens ayant survécu au régime du Kampuchéa démocratique sur le territoire du Cambodge soit particulièrement réduit. Deux témoins affirment connaître un Vietnamien ayant survécu en se cachant ou en se faisant passer pour khmer. Trois autres témoins déclarent avoir connaissance d’un ou deux Vietnamiens en ayant réchappé sans savoir pourquoi. Un témoin, dont la mère était d’origine partiellement vietnamienne, précise que, bien que la majorité des membres de sa famille – dont sa mère – ait été tuée, elle a pour sa part été épargnée, expliquant « j’avais vécu au village qui n’avait pas beaucoup de Vietnamiens et (…) mon époux savait coudre, particulièrement les casquettes et les habits des KR ».

Déplacement de civils vietnamiens du Cambodge au Vietnam

794. Au début, le PCK s’est principalement attelé à expulser tous les Vietnamiens présents sur le territoire cambodgien. Cette politique a commencé dès 1973 et a été poursuivie en 1975 et 1976. Elle a été appliquée à Prey Veng et Svay Rieng ainsi que dans l’ensemble du Cambodge. Les Vietnamiens expulsés étaient acheminés à pied, en train et en bateau. Les éléments disponibles montrent que seuls les Vietnamiens étaient autorisés à retourner au Vietnam et que leur citoyenneté était généralement établie sur la base de tests linguistiques. Si certains témoins affirment avoir été contraints de se rendre au Vietnam, d’autres déclarent que les Vietnamiens étaient libres d’accepter l’invitation à se rendre dans ce pays. D’après certains témoins, il s’agissait d’un piège, les personnes concernées étant en fait emmenées pour exécution. Compte tenu du fait que le PCK n’autorisait pas les conjoints et autres parents cambodgiens de Vietnamiens à se rendre au Vietnam, il semble que nombre de Vietnamiens dans cette situation aient choisi de demeurer au Cambodge. 

795. Un témoin explique que les autorités du Kampuchéa démocratique rassemblaient les Vietnamiens pour les renvoyer en bateau dans leur pays et que ceux qui ne partaient pas étaient recherchés et exécutés. Un autre témoin confirme, en décrivant ce qui s’est passé de la manière suivante « Quant aux habitants d’origine vietnamienne, même s’ils avaient [combattu] dans les unités ou […] avaient été des habitants normaux (sic), ils devaient être renvoyés au Vietnam. Plus tard, les Vietnamiens qui avaient refusé de rentrer ou qui s’étaient [fait] passer pour [d]es Khmers ont été arrêtés et exécutés».

796. La revue l’Étendard révolutionnaire d’avril 1976 semble traiter de l’expulsion des Vietnamiens. On peut y lire « certains étrangers étaient extrêmement venimeux et dangereux pour notre population. Tous ces gens étaient très nuisibles parce qu’ils étaient venus voler toute sorte de biens de la population, ce qui avait mis en danger notre nation et notre population dans le passé et ce qui avait causé la perte de beaucoup de territoire ». Plus loin, il est écrit « cependant, notre révolution, en particulier le 17 avril 1975, a correctement et entièrement résolu tous les problèmes. Nous pouvons dire maintenant que ce fut une résolution définitive. Cela fait des milliers d’années déjà qu’on n’a pas réussi à résoudre ces problèmes, mais en plus, apparemment on n’avait très envie de les résoudre. Les classes exploitantes, non seulement elles n’avaient pas résolu les problèmes, mais elles avaient vendu des terres en partie aux étrangers. Nous avons maintenant réussi à résoudre ces problèmes. Nos ouvriers révolutionnaires, nos agriculteurs révolutionnaires, notre population, notre armée révolutionnaire ont réussi à résoudre ces problèmes entièrement et définitivement. La dimension de cette victoire est immense, profonde, et extraordinaire…Ce fut un grandiose mouvement démocratique, le plus extraordinaire qui soit de notre révolution. Notre mouvement a balayé des centaines de milliers d’étrangers en les expulsant tous de hors de notre pays, hors de notre territoire définitivement ».

Massacres de civils vietnamiens dans les provinces de Prey Veng et Svay Rieng

797. De nombreux témoins déclarent que des vagues de massacres de civils vietnamiens ont été perpétrés dans la province de Prey Veng et dans la province de Svay Rieng en 1977, 1978 et 1979. Selon le système d’identification des frontières administratives du PCK, les provinces de Prey Veng et Svay Rieng comprenaient, en tout ou partie, les Secteurs 20, 22, 23 et 24 de la Zone Est.

798. Les cadres du Parti procédaient à l’arrestation et au massacre de ces Vietnamiens de façon méthodique, se rendant de maison en maison ou organisant des réunions pour recenser les personnes d’origine vietnamienne3399. Des listes préétablies de Vietnamiens étaient utilisées lors des arrestations, selon un témoin en exécution d’ordres émanant de l’échelon supérieur.

799. Parfois, on disait aux Vietnamiens qu’on les emmenait pour étudier, à une réunion, ou couper du rotin, puis on les mettait dans des charrettes et on les emmenait. Souvent, le père de famille était emmené en premier puis, peu de temps après, la mère et les enfants étaient emmenés à leur tour. Un témoin, dont la mère vietnamienne a été arrêtée, déclare que la seule raison pour laquelle elle a survécu est que les villageois avaient dit au cadre du Parti qu’elle était « Khmèr[e] de pure souche ». Bon nombre de témoins ont déclaré que tous les Vietnamiens de leur village avaient été emmenés ou, à tout le moins, qu’ils connaissaient des Vietnamiens définitivement portés disparus. Certains de ces témoins ont plus particulièrement décrit les massacres perpétrés à Veal Tauch, village de Chamkar Kuoy, District de Prey Veng.

800. Des témoins déclarent que les cadres du village, du sous-district et du district ont participé à l’arrestation des Vietnamiens à Prey Veng. Certains témoins déclarent que les arrestations ont été conduites sous les ordres du Comité du secteur 20 ou de l’« échelon supérieur », et que les massacres ont été perpétrés tant avant qu’après la purge de la Zone Est à laquelle avaient procédé notamment les cadres transféré de la Zone Sud-Ouest.

801. Des arrestations et massacres similaires de Vietnamiens ont eu lieu dans la province de Svay Rieng. En 1977 et en 1978, des témoins ont vu des Vietnamiens y être arrêtés et emmenés par les cadres du sous-district et du district. Aucun témoin ne sait où ils ont été emmenés mais plusieurs déclarent qu’ils savaient qu’on les emmenait pour les tuer. Un témoin, qui a déclaré que la « ligne vietnamienne » avait été arrêtée, a précisé « ils les ont emmenés et ils ont disparu. Ils les ont tués, ils ne les ont emmenés nulle part ».

Massacres de civils vietnamiens hors des provinces de Prey Veng et Svay Rieng

802. Le massacre de civils vietnamiens ne s’est pas limité aux provinces de Prey Veng et Svay Rieng, prouvant par là-même qu’il était organisé dans le cadre d’une politique nationale. Ainsi, une exécution de masse de Vietnamiens a été commise durant le second semestre 1978 à Wat Khsach, village de Yeang, Sous-district de Russei-Lok, province de Siem Reap. Des Vietnamiens furent arrêtés dans les Districts de Svay Leu et Chikreng (province de Siem Reap, Zone Nord) et menés à Watt Khsach. Le PCK prit les mesures nécessaires pour s’assurer que seuls les Vietnamiens soient visés. Les arrestations furent menées à l’aide d’une liste statistique reprenant les personnes d’origine vietnamienne. Un témoin affirme avoir entendu un responsable du PCK demander aux personnes arrêtées « Êtes-vous Vietnamiens? ». Un autre a entendu le responsable du PCK demander « Êtes-vous Chinois ou Vietnamiens ? » et déclare que ceux qui se disaient vietnamiens ont été tués tandis que les Chinois ont été libérés. Ces déclarations sont corroborées par un autre témoin, ayant rencontré une femme relâchée à Wat Khsach parce qu’elle avait déclaré être chinoise. Les Vietnamiens amenés à Wat Khsach n’ont pas été interrogés ou détenus très longtemps. Ils furent tués dans les 24 heures ayant suivi leur arrestation, à l’aide de gourdins de bambou, et leurs corps furent jetés dans des fosses communes et un puits. Certains témoins ont assisté aux massacres, un autre a entendu le bruit des coups et les cris des victimes. Un témoin déclare qu’une centaine de Vietnamiens ont été tués au cours des trois heures où il a assisté aux massacres et estime à 600-700 le nombre total de victimes. Un autre témoin parle de quelque 25 morts durant l’heure où il a observé la scène et estime qu’une centaine de personnes environ ont été tuées en deux ou trois séances. Hommes, femmes et enfants furent indifféremment exécutés.

803. D’autres témoignages attestent d’exécutions ciblées de civils vietnamiens partout au Cambodge, notamment aux endroits suivants : Battambang et Pursat dans la Zone Nord-Ouest ; Mondulkiri dans le Secteur Autonome 105 ; Kampot, Takeo dans la Zone Sud-Ouest ; Kratie dans le Secteur Autonome 505 ; Koh Kong dans la Zone Ouest ; et Kroch Chhmar et Khsach Kandal dans la Zone Est.

804. Des preuves existent aussi de la détention et de l’exécution de Vietnamiens dans différents centres de sécurité : à S-21 à Phnom Penh, au Centre de sécurité de Kraing Ta Chan dans la Zone Sud-Ouest, au Centre de sécurité de Prey Damrei Srot et le Centre de securite de Koh Kyang dans la Zone Ouest, au Centre de sécurité de Kok Kduoch dans le Secteur Autonome 505, au Centre de sécurité de Au Kanseng dans la Zone Nord-Est, notamment. En juin 1977, 209 troupes vietnamiens de nationalité Jarai étaient capturés et exécuté en masse dans ce dernier centre. L’arrestation de ces personnes fut rapportée par le secrétaire de la Zone Nord-Est au « frère respecté » et une copie du rapport fut transmise à Nuon Chea et Ieng Sary.

Traitement des Cambodgiens ayant un conjoint vietnamien et des enfants ayant un parent vietnamien

805. Selon la politique initiale du PCK, les Vietnamiens ayant un conjoint cambodgien n’étaient pas autorisés à rentrer au Vietnam avec leur conjoint. En conséquence, bon nombre des Vietnamiens qui sont restés au Cambodge en 1977 étaient ceux qui avaient un conjoint cambodgien et des enfants.

806. Un grand nombre de témoins attestent du traitement particulier réservé aux personnes se trouvant dans cette situation, non seulement dans les provinces de Prey Veng et Svay Rieng, mais aussi dans celles de Kampong Cham (Secteur 41, District de Kang Meas, Zone Centrale (ancienne Zone Nord) et Siem Reap.

807. La pratique était la suivante : si un vietnamien était marié à une cambodgienne, seul l’homme était tué, la femme et les enfants étaient épargnés. En revanche, si une vietnamienne était mariée à un cambodgien, la femme et les enfants étaient tués, tandis que l’homme avait la vie sauve.

808. Le raisonnement sur lequel était fondée cette politique a été précisé par certains témoins. L’un d’eux a déclaré « si la mère était vietnamienne, on tuait la mère et tous ses enfants car les enfants boivent le lait de leur mère ». D’autres ont indiqué qu’on leur avait dit que les enfants de mère vietnamienne étaient tués parce que « le sang ou l’ombilic d’un enfant vient de la mère et non du père », ou encore que la politique consistait à « détruire les gênes vietnamiens ou la lignée vietnamienne » et que « la race vietnamienne ne devrait plus exister ni que l’on devrait permettre sa reproduction ».

809. Il semble que les enfants de mère cambodgienne et de père vietnamien n’aient pas toujours été épargnés et, de même, que, dans certains cas, le conjoint cambodgien d’une femme vietnamienne ait également été arrêté3466 ou tué.

810. Dans un télégramme du 17 mai 1978, Ruos Nhim demande à l’« Angkar 870 » ce qu’il convient de faire « d’éléments [bons à rien] tels que des soldats, des Vietnamiens – un homme khmer marié à une Vietnamienne ou un Vietnamien marié à une Khmère – et des métis vietnamo-cambodgiens». Nhim observe que ces individus n’ont fait montre d’aucune opposition « jusqu’à présent » mais que, si l’un d’eux « tente quelque chose, il devra être éliminé. Quant aux autres, il convient de les rassembler en un même lieu. À cet égard, je pense qu’il n’est pas difficile de [les] rassembler, même s’il nous faudra les contrôler en permanence. Si nous observons certaines choses, nous pourrons les maîtriser immédiatement ». Bien que Nhim avance une méthode pour les rassembler, les contrôler et, le cas échéant, les exécuter, il ajoute que « l’assemblée souhaite poser cette question à l’Angkar 870. La décision étant du ressort de l’Angkar, veuillez-nous faire connaître toute décision prise à cet égard ». 

811. Lors d’un interrogatoire, Duch a déclaré « Il n’y a rien de surprenant dans ce document. Ruos Nhim écrit à Pol Pot (« Angkar 870 ») pour expliquer que, s’agissant des anciens soldats, des Cambodgiens mariés à des Vietnamiens et des enfants métis, la situation est bien contrôlée et que ces personnes ne sont pas susceptibles de nuire. Il faut comprendre que le régime était particulièrement attentif à cette population en laquelle il n’avait pas confiance, à mon avis plus pour des raisons politiques que «raciales ». En fait, il y avait accord entre l’échelon supérieur et l’échelon inférieur pour que ces gens-là ne puissent pas agir. Je ne sais pas s’il y a eu une réponse de Pol Pot à Ruos Nhim mais ce n’était pas vraiment nécessaire ». Duch déclare aussi que, bien qu’il ne croie pas à l’existence d’une politique clairement établie à propos des civils vietnamiens présents au Cambodge, tous ceux qui restèrent au Cambodge après le 17 avril 1975 furent « éliminé[s] ». Il ajoute « [avoir] vu, sur les listes de S21, des noms de Vietnamiens vivant encore au Cambodge. Les civils et les militaires étaient traités de la même façon. Ils étaient interrogés puis envoyés à l’exécution». Duch précise pour finir avoir été parfois informé par Nuon Chea de l’arrivée de civils et soldats vietnamiens à S21.

812. De même, une lettre en date du 26 avril 1977, envoyée au Parti par le chef du Sous-district d’Ang Ta Saom (District de Tram Kak), fait part de la présence de couples mixtes vietnamocambodgiens ayant demandé à se rendre au Vietnam et s’enquiert de savoir ce que l’« Angkar » envisage de faire d’eux. La lettre précise que tous ont été enregistrés et que si les deux conjoints avaient été vietnamiens, ils auraient tout simplement été « envoyés chez l’Angkar». Un autre rapport envoyé par le chef du village de Khal Pou demande à l’« Angkar » que faire d’un « métis vietnamien » se plaignant d’être trop malade pour travailler.

813. D’autres témoins confirment que le traitement particulier réservé aux conjoints de Vietnamiens et aux personnes d’ascendance partiellement vietnamienne était le résultat de décisions prises à l’échelon supérieur. Plusieurs témoins en ont été informés par des cadres du Parti tels que le « chef du village» ou encore en assistant à une « séance d’autocritique». Un témoin explique « Je sais que l’ordre émanait de l’échelon supérieur, parce que j’ai remarqué qu’une réunion du matin menait régulièrement à des arrestations dans la soirée». Un autre déclare « j’ai aussi appris que l’opération avait été menée par les miliciens de la commune […] sur l’ordre de l’échelon supérieur». 

Intention de détruire le groupe des Vietnamiens

814. Dans le numéro d’avril 1977 de l’Étendard révolutionnaire, le PCK appelait les masses à « débusquer […] jauger […] analyser […] traquer […] faire pression sur […] capturer […] écraser l’ennemi3481 » et affirmait « il y a un problème de première importance que nous nous devons prendre soin de résoudre, de la façon la plus sérieuse qui soit, c’est celui de démasquer les partisans de la CIA et leurs agents, les partisans du KGB et leurs agents, les partisans des «V» [Vietnamiens], avaleurs de territoires et chiens courants, clairement, et ainsi de suite. Tous ceux-ci se trouvent à l’intérieur du Parti tout entier, dans l’armée tout entière et dans la population tout entière. Il faut abattre à plate couture les ennemis sur le plan politique, pour qu’ils ne puissent pas s’infiltrer dans notre Parti, dans notre armée et dans notre population, pour toujours, jamais. Quant à leurs vieilles racines, une partie d’entre elles du moins qui soient restées, une fois qu’on les aura exterminées, nous nous mettrons à stimuler les masses populaires pour qu’elles les balayent en plus à leur tour, pour faire place nette, une fois pour toute.». Ce passage peut être considéré comme un appel direct à tuer tous les membres de la communauté vietnamienne encore présents au Cambodge.

815. L’existence d’une telle politique est corroborée par les carnets des cadres de S-21, dont certains passages démontrent que les cadres savaient être tenus de débusquer et tuer tous les vietnamiens présents sur le territoire. On lit ainsi, dans un des carnets, le passage suivant « Trouver les Vietnamiens : nous les trouvons, disséminés çà et là. Nous savons que des Vietnamiens se cachent dans l’Est, le Nord-Ouest, à Phnom Penh. Nous ne les avons pas trouvés mais ils existent bel et bien». On peut aussi lire, dans un autre carnet « Avons-nous trouvé les Vietnamiens ou non ? Victoire totale = trouver les Vietnamiens. Victoire minimale = trouver de nouveaux liens avec des traîtres agents des Vietnamiens3484 ». Le même carnet poursuit en notant que ces Vietnamiens sont cachés sur tout le territoire du Cambodge.

816. Des preuves de la mise en œuvre de cette politique peuvent être trouvées dans des communications entre les zones et le Centre. En date du 4 août 1978, un rapport du Bureau 401 de la Zone Ouest rend compte à l’« Angkar » de « l’extermination de 100 ressortissants vietnamiens, petits et grands, jeunes et vieux». Ce rapport ajoute : « les mesures que nous avons prises contre les éléments ennemis susmentionnés [ont consisté] à poursuivre la recherche des liens en tout genre avec les ennemis, tapis à l’intérieur du pays, et d’en balayer un nombre toujours plus grand, de les éradiquer jusqu’à la racine du terrain, ainsi que de l’ensemble des unités, bureaux et ministères ». Selon un rapport militaire, le 1er avril 1978, [CAVIARDÉ] ([CAVIARDÉ] de la 164e Division du Centre) fit état, dans un message téléphonique confidentiel à Nuon Chea et Ieng Sary, de la capture et de l’exécution de 120 Vietnamiens entre le 27 et le 30 mars 1978.

817. D’anciens cadres confirment eux aussi que la politique vis-à-vis des Vietnamiens présents était que « tout le monde devait être vigilant pour trouver et éliminer ces ennemis infiltrés».

818. En 2006, Norodom Sihanouk publia une lettre dans laquelle il livrait des détails sur une rencontre avec Pol Pot, vers la fin du régime du Kampuchea démocratique. Cette lettre ne saurait avoir le même poids qu’une déclaration faite par procès-verbal dans le cadre d’une audition judiciaire mais elle semble suffisamment intéressante pour être intégrée dans le présent récapitulatif des faits. D’après cette lettre, Pol Pot aurait déclaré ce qui suit à Norodom Sihanouk : « Notre Kampuchéa ne sera pas en paix tant que nous, Kampuchéens, n’aurons pas vaincu la maléfique race vietnamienne. J’ai d’abord envoyé notre armée dans le Kampuchéa Krom (Cochinchine) avec pour mission de tuer le plus grand nombre possible d’hommes, de femmes et d’enfants de la race maléfique. Mais il n’a pas été possible de tous les tuer sur leur territoire. Des dizaines de millions d’entre eux sont encore bien vivants à Annam et dans le Tonkin. J’ai donc décidé de changer de stratégie et de tactique. Entièrement. J’entends les attirer dans notre pays, leur donner l’impression qu’ils ont remporté une victoire militaire. Et une fois qu’ils seront entrés au Kampuchéa démocratique, nous, hommes et femmes du Kampuchéa, les taillerons en pièces (sic !). Nous les réduirons en bouillie (sic !). Et au Vietnam, lorsqu’ils (les Vietnamiens) réaliseront que leurs soldats ne rentrent pas, ils enverront davantage de divisions. Et nous, peuple du Kampuchéa, continuerons de les réduire en bouillie. Dans la phase finale, nous entrerons sur leur territoire, à Annam et dans le Tonkin, après avoir libéré notre Kampuchéa Krom, et tuerons leurs femmes et leurs enfants (garçons, filles et nouveau-nés). Et alors, la race maléfique des Vietnamiens sera rayée de la surface de la terre».

Guerre anti-Vietnamienne et propagande relative aux purges

819. Bien que n’étant pas spécifiquement et expressément dirigées contre les membres de la communauté vietnamienne encore présents au Cambodge, la propagande dirigée contre les forces armées vietnamiennes dans le contexte du conflit armé avec le Vietnam et les allégations faisant état de la présence au sein de la population cambodgienne d’agents khmers à la solde des Vietnamiens et d’agents de la CIA et du KGB ont accompagné et grandement encouragé le massacre de civils vietnamiens. Il en est de même des massacres de civils vietnamiens tués au Vietnam ou capturés au large des côtes du Cambodge.  

820. À partir de 1977, le PCK a intensifié son recours à la propagande incitant à la haine des Vietnamiens. Dans sa propagande, le Parti prétendait que les Vietnamiens étaient des annexionnistes, expansionnistes, agressifs, maléfiques, sauvages et dévoreurs de terre qui voulaient conquérir le Cambodge pour « supprimer notre race, notre nation, notre territoire». Le PCK incitait à une « colère terrible » contre les Vietnamiens et encourageait les cadres à instiller sans cesse cette haine au sein de la population. La radio diffusait les aveux extorqués à des soldats vietnamiens capturés, dans lesquels on pouvait entendre des déclarations incendiaires faisant état de projets vietnamiens d’invasion du Cambodge et de destruction du peuple cambodgien. Khieu Samphan, Ieng Sary, Ieng Thirith et Nuon Chea ont tous pris part à la diffusion de cette propagande antivietnamienne.

821. Dans le numéro de décembre 1977-janvier 1978 de l’Étendard révolutionnaire, le PCK félicita publiquement le pays pour les purges internes menées en 1977 contre des « agents vietnamiens » dissimulées dans le pays « Tout au long de 1977, nous avons remporté des victoires aussi importantes que significatives en parvenant à mener des purges systématiques, qui nous ont permis de balayer l’ennemi et d’en extirper les racines de notre sol […] Aujourd’hui, les forces à la solde des Vietnamiens et des Soviétiques et rongeant notre pays de l’intérieur ont quasiment cessé d’exister». Le magazine appelait à la poursuite des tueries « Sur le plan de l’organisation, notre principal mérite, durant l’année écoulée, a été de purger le Parti des éléments mauvais et des agents ennemis dissimulés qui le rongeaient de l’intérieur et, ce faisant, de rendre notre Parti quasi immaculé […] À l’avenir, cependant, il nous faudra veiller à poursuivre les purges […] Il importe de poursuivre les purges, parce que l’ennemi n’a pas encore été entièrement éradiqué».

822. L’Étendard révolutionnaire continua à appeler à tuer les Vietnamiens dans son numéro de juillet 1978 « Les ennemis Vietnamiens […] ont été l’ennemi de notre nation des premiers temps à nos jours, et ils le demeureront aussi loin que puisse porter le regard dans l’avenir. Notre devoir national à tous est de lutter jusqu’à l’élimination de notre ennemi Vietnamien agressif, expansionniste, dévoreur de terres et génocidaire. Fidèle aux Kampuchéens de la génération présente, nul parmi ceux des générations qui nous suivront ne déposera les armes et ne cessera le combat contre les Vietnamiens, ennemis agressifs, expansionnistes, dévoreurs de territoires et génocidaires de la race kampuchéenne». Les auteurs poursuivaient en félicitant les coopératives pour leur rôle dans les tueries « Dans le grand mouvement de masse visant à harceler et écraser l’ennemi Vietnamien agressif, expansionniste, dévoreur de terres et génocidaire, et à éradiquer les ennemis dissimulés à la solde de la CIA, des Vietnamiens et du KGB, il faut particulièrement souligner le rôle des coopératives qui, partout dans le pays, ont été à la pointe de la lutte et n’ont eu de cesse d’accomplir leur mission, remportant de la sorte une victoire stratégique pour la nation, le peuple, le Parti et la révolution». Ces instructions s’accompagnaient d’une description des purges menées à bien contre les traîtres supposés dans les rangs du Parti et du peuple.

823. Le 15 mai 1978, dans une émission diffusée par le service radiophonique national de Phnom Penh, on put entendre que, le Cambodge étant une nation moins peuplée que le Vietnam « en termes de nombres, chacun d’entre nous doit tuer 30 Vietnamiens. (…) Sur la base de ces chiffres, un soldat cambodgien équivaut à 30 soldats vietnamiens. À combien de Vietnamiens équivalent dès lors 10 soldats cambodgiens ? La réponse est 300. Et 100 Cambodgiens équivalent à 3000 Vietnamiens. Et 1 million de Cambodgiens équivalent à 30 millions de Vietnamiens. Il nous faudrait 2 millions d’hommes pour 60 millions de Vietnamiens. Deux millions d’hommes suffiraient amplement, cependant, pour lutter contre les Vietnamiens, étant donné que le Vietnam ne compte que 50 millions d’habitants. Nous ne devons pas engager 8 millions de personnes. Deux millions d’hommes nous suffisent pour écraser les 50 millions de Vietnamiens, et il nous resterait encore 6 millions de personnes ».

824. Dans la suite de l’émission, il était déclaré « cette question ne concerne pas uniquement les forces armées. L’ensemble du Parti, de l’armée et de la population doivent être bien renseignés au sujet de cette stratégie, de ces idées et de cette position.3506 ». Effectivement, cette politique a été radiodiffusée à l’attention du peuple cambodgien et a fait l’objet de communications supplémentaires parmi les cadres du PCK. Dans son journal, Mam Nai, alias Chan, un des principaux interrogateurs de S-21, habitué à prendre des notes durant les sessions de formation organisées par Duch, a noté que, si la « politique du Parti » était en général fondée sur le principe du « 1 contre 30 », elle pouvait aller jusqu’au « un contre 90 » à Svay Rieng. Il a précisé que cette politique devait être mise en œuvre en « éliminant tous les ennemis, méthodiquement». Les journaux de Pon et Tuy, deux autres interrogateurs à S-21, évoquait lui aussi les « principes du Parti » de un contre 30 et un contre 90 à Svay Rieng.

825. Dans d’autres émissions radiophoniques, il était exigé une « grande vigilance révolutionnaire [afin de] protéger le Parti et de défendre l’administration révolutionnaire de la classe des ouvriers et paysans en éliminant les derniers ennemis intérieurs et les agresseurs extérieurs ». Une attention particulière était accordée à la nécessité de « complètement éradiquer de nos coopératives et du territoire cambodgien les derniers ennemis intérieurs et les agresseurs extérieurs, et de mettre un terme à leurs activités » et les ministères et autres instances gouvernementales étaient appelés à faire de même. L’armée s’engageait à « combattre et exterminer l’ennemi annexionniste et les autres ennemis de tout bord, afin d’entièrement les chasser de notre territoire cambodgien». Quant au Ministère de l’Information et de la Propagande, il affirmait que « si le Vietnam refuse de retirer ses forces du territoire sacré du Cambodge, il ne reste qu’une solution à l’Armée révolutionnaire cambodgienne et au peuple cambodgien : écraser et exterminer jusqu’au dernier homme l’agresseur vietnamien avide de territoires cambodgiens ».

826. D’autres cas de massacres, d’« écrasement », d’attaques perpétrées contre des civils et de destruction de biens vietnamiens ont été communiqués au Bureau 870, à Nuon Chea et à Ieng Sar. 827. Nuon Chea, Ieng Sary et le Bureau 870 étaient également tenus informés des massacres de civils commis au Vietnam, par les rapports des responsables d‘échelons inférieurs. Ainsi, le 14 août 1977, un télégramme envoyé à Mo-81, avec copie à Nuon Chea et Ieng Sary, rapporte que « l’armée kampuchéenne a exterminé 1,000 vietnamiens ordinaires à Ha Tien, dans la province de Kien Giang».

828. Une directive du PCK publiée par le Bureau 870 le 1er janvier 1979 renferme des instructions relatives à la lutte contre « les ennemis vietnamiens, envahisseurs et avaleurs de territoire». Cette directive, adressée à « la population cambodgienne tout entière, les Forces Armées Révolutionnaires du Kampuchéa tout entières, les soldats, les soldates et les cadres de tous les Ministères et Centres », ordonnait à la population de « tenir constamment en éveil la vigilance évolutionnaire pour suivre de près et identifier les agents secrets vietnamiens pour qu’ils ne puissent se cacher nulle part et pour les éliminer avec autonomie et à temps».

829. Deux jours plus tard, le Bureau 870 donna des instructions supplémentaires sur la manière de combattre efficacement « les Vietnamiens envahisseurs», sur le champ de bataille comme dans les rangs du Parti. Ordre était donné que « Les zones, les régions, les districts, les commandants de tous les niveaux, les cadres militaires et des villages doivent prendre soin d’apprendre plusieurs fois la stratégie de combat comme stipulée ci-dessus, de manière la plus efficace possible. Il faut dynamiser nos cadres et nos soldats pour qu’ils aient l’esprit de compétition dans l’extermination des Vietnamiens, envahisseurs de territoire, pour défendre le Parti, la révolution, le Kampuchéa démocratique, pour protéger notre population, nos coopératives, le paddy et le riz, les rizières et les champs, et tous les produits de nos plantations ». Il poursuivait en ordonnant aux différents niveaux de la hiérarchie du Parti, des unités militaires, des ministères et des bureaux de « prendre des mesures minutieuses et fermes pour supprimer l’espionnage, l’affiliation et les guerres psychologiques diverses, peu importe leurs ruses. Il faut être le plus attentif possible sur tous les champs de bataille et, près des champs de bataille, à la fois dans l’armée, dans la population, parmi les soldats -les soldates, des ministères- des Centres, et des cadres.

830. Le Comité 870 donna des ordres sur la façon d’attaquer les troupes vietnamiennes. Dans une directive datée du 3 janvier 1979, les membres du Comité firent part de leur intention de « repousser l’ennemi, de le détruire et, à coup sûr, le Vietnamien gémira comme un singe et hurlera dans la profondeur des forêts avant d’être complètement aboli [éliminé de la surface] de notre terre sacrée». La directive renfermait également des ordres sur la façon de diffuser l’information dans les rangs du Parti « ces conseils doivent être diffusés et étudiés encore et encore par les cadres du Parti au niveau des zones, des régions et des districts, par les coopératives, les commandants militaires, les chefs de division, de régiment, de bataillon, de compagnie, de peloton et d’unité, par les soldats et officiers sur le terrain, jusqu’à ce qu’ils soient pleinement compris ».

831. Les tueries ont été également liées à la purge entreprise dans la Zone Est à l’encontre des prétendus traîtres, identifiés par Nuon Chea comme « des ennemis infiltrés qui rongeait le noyau du Parti, ennemis proches des Vietnamiens », même si elles ont également visé des Vietnamiens en dehors de cette zone.