Centre de Sécurité S-21

Posted 01 décembre 2015 / Mis à jour 16 janvier 2017
Democratic Kampuchea Zone
Democratic Kampuchea District
Democratic Kampuchea Sector
Current Day District
Current Day Province
Alleged Crimes

[Avertissement: Le contenu des ordres de fermeture sont des allégations qui doivent être prouvées par des débats contradictoires. En tant que tel, les allégations ci-dessous ne peuvent pas être traitées comme des faits, sauf si elles ont été établies par un jugement définitif.]

Emplacement et création

415. Le Centre de sécurité S-21 (S-21) était composé d’un centre de détention situé dans Phnom Penh et d’un site d’exécution (Choeng Ek) situé à environ 15 kilomètres au sud-ouest de Phnom Penh, dans la province de Kandal1806. Prey Sar (S-24) était un camp de travail qui dépendait de S-21 et fait l’objet d’une section spécifique de la présente Ordonnance.

416. Le 15 août 1975, Son Sen a convoqué à la gare ferroviaire de Phnom Penh, Duch et In Lorn, alias Nat, de la 703ème division de l’ARK, pour une réunion. Son objet était de mettre en place S-21. S-21 est devenu pleinement opérationnel en octobre 1975 et fonctionna jusqu’au 7 janvier 1979 date à laquelle, Duch, le personnel et des détenus travaillant à S-21 ont pris la fuite.

417. Le centre de détention était à l’origine situé dans le sous-district de Boeng Keng Kang 3 à l’angle des rues 163 et 360. Fin novembre 1975, S-21 a été transféré au quartier général de la police nationale et il a ensuite été réinstallé, en janvier 1976, à son emplacement initial. En avril 1976, les détenus ont finalement été transférés sur décision de Duch et avec l’accord de Son Sen dans les locaux du lycée Pohnea Yat qui est aujourd'hui le « Musée du génocide de Tuol Sleng ». Le bâtiment central (bâtiment E) servait à l’accueil, l’enregistrement et la prise de photo des prisonniers. Une salle de ce bâtiment était réservée à la réalisation de peintures et de sculptures à la gloire du régime. Les bâtiments B, C et D hébergeaient la population carcérale générale, soit dans de petites cellules individuelles en bois ou en briques, soit dans de grandes cellules collectives. Le pâté de maisons situé au sud de l'ancien lycée puis plus tard le bâtiment A, étaient appelé « prison spéciale » et hébergeait les détenus importants. L’ensemble était entouré de clôtures et protégés par des gardiens armés. Nombre d'autres bâtiments situés aux alentours faisaient aussi partie de S- 21 et étaient situés dans un second périmètre extérieur, lui aussi protégé par des gardiens armés. Il s’agissait par exemple, des maisons d’interrogateurs, de sites d'exécution et de fosses communes, de mess, d'un « centre médical », de maisons pour le personnel, de plusieurs bureaux et maisons pour Duch et d'une maison servant à l’accueil des prisonniers.

418. Au début, les exécutions avaient lieu au sein ou à proximité de S-21. A une date indéterminée, entre 1976 et la mi-1977, Duch a décidé que les prisonniers seraient désormais exécutés à Choeng Ek. Toutefois, même après que Choeng Ek fut devenu le principal site d’exécution, certains prisonniers ont continué à être exécutés et enterrés dans l’enceinte de S- 21 ou à proximité

Fonctionnement

Organisation et personnel

419. Lors de la réunion du 15 août 1975, Son Sen désigna Nat directeur de S-21 et secrétaire de son comité et Duch comme directeur adjoint chargé du groupe d’interrogateurs. Les détenus étaient amenés à l’unité des interrogatoires de S-21 depuis l’hôpital psychiatrique de Ta Kmao, qu’In Lorn alias Nat, utilisait comme centre de détention avec l’assistance de membres de la Division 703. En mars 1976, Nat a été nommé à l'état-major et Duch lui a succédé comme directeur de S-21 et secrétaire du Comité de S-21. Duch a maintenu Khim Vat alias Hor dans les fonctions d’adjoint responsable de la gestion quotidienne de S-21. Le troisième membre du comité de S-21 était Nun Huy alias Huy Sre; ce dernier était également responsable de S-24. En qualité de Directeur, Duch était en charge de choisir le personnel et assurait la formation, notamment politique du personnel. Duch a également enseigné au personnel de S-21 les méthodes d’interrogatoire et des techniques d’exécutions des détenus.

420. Duch a dirigé le Centre S-21 sur un mode hiérarchique et y a instauré un système de transmission de l'information à tous les niveaux garantissant que ses ordres étaient immédiatement et précisément exécutés. S-21 était divisé en plusieurs unités: l’unité des interrogatoires; l’unité de documentation (responsable de la tenue des registres) et l’unité de défense qui comprenait deux sections, l’unité des gardiens (chargés de la surveillance des détenus dans l’enceinte de la prison) et l'unité spéciale. Celle-ci avait plusieurs missions : elle accueillait ceux qui étaient envoyés à S-21 ou dans certains cas procédaient aux arrestations ou au transfert des prisonniers; elle intervenait en cas d'urgence et, enfin, transportait les prisonniers jusqu’à Choeng Ek et procédait aux exécutions.

421. S-21 était à la fois un bureau politique et militaire. Duch déclare que S-21 était un régiment militaire indépendant directement sous le contrôle de l’Etat major pour ses fonctions administratives et autres fonctions telles que la production de nourriture, le personnel et les formations et était en même temps sous le contrôle du Comité permanent pour ses attributions en matière de sécurité. Duch a répété à de nombreuses reprises que de mars 1976 au 15 août 1977 son supérieur était Son Sen, remplacé à compter de cette date et jusqu’à la fin du régime par Nuon Chea. La relation entre Duch et ses supérieurs est évoqué en détails dans la section de cette Ordonnance relative à Nuon Chea.

422. S-21 était un centre de sécurité très important du Kampuchéa démocratique: il était considéré comme un organe du Parti communiste du Kampuchéa (le « PCK »), sa direction faisait rapport aux plus hautes instances du Parti, il menait des activités d’envergure nationale, et des cadres de haut rang et des prisonniers importants y étaient incarcérés.

Arrestations et détentions

Composition de la population carcérale

423. Il ressort de la liste révisée des prisonniers qu’un minimum1838 de 12 273 personnes ont été détenues à S-21. 5 994 détenus sont répertoriés comme étant des hommes, 1 698 comme étant des femmes et 89 comme étant des enfants.

424. Les prisonniers étaient majoritairement cambodgiens. Le groupe le plus important était celui des anciens membres de l’ARK (5 609 entrées dans la liste révisée). Les purges au sein des rangs militaires ont souvent conduit à l’envoi de membres de l’ARK de tout échelon militaire à S-21. Les anciens membres de l’ARK détenus à S-21 provenaient notamment des Divisions 164, 170, 174, 290, 310, 450, 502, 505, 703, 801 et 920 ainsi que de tous les régiments indépendants (152, 377 et 488). Des membres du personnel du Bureau de l’Etat major ont également été envoyés à S-21. Les éléments de preuve recueillis montrent aussi que 156 membres du personnel de S-21 s’y sont également retrouvés prisonniers. Par ailleurs, il s’avère encore qu’un minimum de 47 membres du personnel de S-24 ont été envoyés à S- 21.

425. Le second groupe de détenus, en importance numérique, était les anciens cadres du PCK (4 371 entrées dans la liste révisée). Il apparait ainsi qu’ont été détenus à S-21 : les secrétaires de zones Ruos Nheum (juin 1978), Men San alias Ya (septembre 1976), Klang Chap alias Se (août 1978) ; les membres du Comité permanent, Vorn Vet (novembre 1978) et Kung Sophal alias Keu alias Kan (novembre 1978); les secrétaires de secteurs autonomes Bou Phat alias Hang (juin 1978), Born Nan alias Yi (juin 1978) et Pa Phal alias Sot (février 1977); et l’ex-Ministre de la propagande, Hou Nim (avril 1977).

426. Au sein des anciens cadres du PCK, au moins 209 personnes détenus à S-21 venaient du Bureau 870 et de S-71 et des unités qui leur étaient attachés : de l’école de formation aux télégrammes ; des Bureaux de S-71 portant les noms de codes K-1 à K-18 (et en particulier du village de Ta lei appartenant à K-13) ; de Yo10 (les militaires en charge de la protection des leaders du PCK) ; de Stoeng Meanchey et de l’ancien B-20. La première arrestation enregistrée date du 27 juillet 1976 et la dernière du 19 décembre 1978.

427. Au moins 113 prisonniers étaient, avant leur arrestation, directement sous l’autorité du Ministère des Affaires Etrangères en particulier ceux qui étaient au Bureau M-1 à Chrang Chamres et avaient été rappelés d’ambassades du Kampuchéa Démocratique à l’étranger (la première arrestation enregistrée étant datée de septembre 1976 et la dernière de décembre 1978). Au moins 16 détenus venaient de Boeng Trabeck et notamment de ses Bureaux associés K-15 et K-17 (la première arrestation étant datée de décembre 1975 et la dernière de juin 1978).

428. Sur toute la période, au moins 482 détenus provenaient du Ministère du Commerce ou des unités gouvernementales et locales de commerce qui y étaient attachées au moins à un moment, concernant notamment la pêche, les vêtements, les entrepôts d’Etat, le transport terrestre et le port de Kampong Som. La première arrestation enregistrée date d’octobre 1975 et la dernière de mars.

429. On dénombre 116 arrestations de personnes travaillant au Ministère des Affaires Sociales ainsi que dans les hôpitaux ou unités subordonnées : Pha-1, Pha 2 at Chroy Changva, Pha-3 (Psah Cha), Pha 4 (anciennement DUMEX), Po-17 (Hôpital du 17 Avril), Po-1 (Calmette), Po-2, Po-3, Po-4 [later Po-6], Ph-5 et le bureau de la lutte anti-paludique. La première arrestation enregistrée date de septembre 1976 et la dernière de fin décembre 1978, avec un pic d’arrestations en 1978.

430. Au moins 84 détenus étaient originaires des Ministères de l’Education et de la Propagande et des unités qui en dépendaient, notamment les bureaux portant les noms de codes K-25 à K38 désignant l’imprimerie, la station de radio du PCK, les troupes artistiques et les groupes de journalistes. La première arrestation enregistrée date du 21 septembre 1976 et la dernière du 23 mai 1978 avec une augmentation du nombre d’arrestations entre février et mai 1978. 

431. Les cadres du PCK et les membres de l’ARK arrêtés provenaient de toutes les zones et de tous les secteurs autonomes du Cambodge et leur nombre augmentaient avec les vagues de purges associées à l’arrestation des plus hauts cadres ou commandants militaires. Ainsi le nombre de prisonniers provenant de la Zone Centrale (ancienne Zone Nord) s’élève à 360 pour toute la période, avec plus de 80 arrestations pour le seul mois de février 1977 (soit le mois suivant l’arrestation de Koy Thuon). Pour le secteur 106 on compte 75 entrées, avec un pic pour le mois de mars 1977. Certaines des personnes arrêtées étaient mentionnées par Koy Thuon dans sa confession au sein de la liste de son « réseau de traitres ». Enfin, pour la Zone Est, ce nombre s’élève à 1 165 avec près de 500 arrestations pour le seul mois de juin 1978, qui correspond au suicide de Sao Phim.

432. Outre les anciens membres de l’ARK et les anciens cadres du PCK, d’autres cambodgiens apparaissent dans les listes notamment d’anciens soldats et fonctionnaires de la République khmère ou du FANK (Forces armées nationales khmères) (328 entrées dans la liste révisée), des enseignants, professeurs, étudiants, médecins, avocats ou ingénieurs (279 entrées), personnes détenues en raison de liens de parenté avec d’autres personnes (876 entrées) et un certain nombre dont l’origine n’a pu être établie.

433. Un certain nombre de ressortissants étrangers ont également été détenus à S-21 dont des Thaïlandais, des Laotiens, des Indiens ainsi que des « occidentaux ». Au sein des étrangers, les Vietnamiens constituaient le groupe majoritaire. La liste révisée des prisonniers mentionne les noms d’au moins 345 détenus désignés comme Vietnamiens, soit 122 en tant que soldats et 144 en tant qu’ « espions » (civils ou combattants). Pour les 79 détenus restants (incluant des femmes et des enfants), qui étaient vraisemblablement des civils, il n’est pas fourni d’indications. Leur présence à S-21 est également confirmée par des témoins, des aveux et des photos. La première arrestation d’une personne décrite comme vietnamienne mentionnée dans les registres remonte au 7 février 1976. Duch indique toutefois que quelques Vietnamiens (en faible nombre) ont été envoyés à S-21 dès 1975 et précise que leur nombre a augmenté avec l’escalade du conflit avec le Vietnam. Arrestation et transfert vers S-21.

434. Pour l’arrestation et le transfert des cadres du PCK et des membres de l’ARK provenant des zones ou des régions autonomes, deux méthodes étaient utilisées. Dans certains cas des membres du personnel de S-21 se rendaient dans les zones, procédaient aux arrestations ou récupéraient des prisonniers arrêtés par les unités des zones et repartaient vers Phnom Penh. Dans d’autres cas, les cadres du PCK et les membres de l’ARK étaient convoqués à Phnom Penh, officiellement pour une réunion ou un séminaire, par le Bureau 870 et en particulier par Nuon Chea, et disparaissaient à jamais. Dans la grande majorité des cas, ils transitaient par K-7 avant d’être amenés à S-21 par des membres d’unités dépendant de S- 71. Pour les unités de Phnom Penh et en particulier les ministères ou les unités du Centre, il apparait qu’en dehors des cas où les arrestations étaient effectuées par S-21, là encore des membres d’unités dépendant de S-71 étaient responsables des arrestations. Dans certains cas, ils transitaient également par K-7. Parfois, les ministères pouvaient être chargés de transporter à S-21 les prisonniers provenant de leurs services. Duch confirme qu’en principe « S-21 [n’avait] pas le droit d’arrêter les gens », ajoutant que, dans la plupart des cas, il était simplement informé par l’ « échelon supérieur » d’une arrestation afin qu’il puisse organiser l’accueil des prisonniers. En dehors des cas où S-21 a procédé à des arrestations comme décrit ci-dessous, Duch recevait notification des prisonniers qui allaient arriver sous forme de listes transmises par Son Sen, Nuon Chea ou Ken alias Lin.

435. Il ressort cependant du dossier que le personnel de S-21 a procédé parfois lui-même à des arrestations. Selon Him Huy, lorsque S-21 arrêtait quelqu’un à l’extérieur du Centre, mais dans Phnom Penh, deux scénarios étaient possibles : soit son unité procédait à l’arrestation, soit, lorsque cette arrestation avait déjà eu lieu, elle n’était responsable que du transfert vers S-21. Him Huy a dit avoir été envoyé plusieurs fois hors de Phnom Penh pour ramener des prisonniers à S-21 et avoir, à chaque fois, reçu de Duch une liste des personnes à arrêter. Duch admet qu’en cas de besoin, une unité spéciale de S-21 quittait Phnom Penh munie d’un ordre délivré par le Comité central et d’un laissez-passer spécial signé de Son Sen, l’autorisant à ramener des prisonniers á S-21. Il précise toutefois que ce système a ensuite été abandonné. De plus Duch explique qu’il était parfois consulté ou associé à la planification des arrestations en particulier lorsqu’il s’agissait d’arrêter un nombre important de personnes au sein d’une seule unité ou pour des membres importants du Parti. Finalement pour certaines personnes importantes, tel que Koy Thuon et Pang, l’arrestation avait parfois lieu dans la maison de Duch.

436. Duch indique que, quand on décidait de procéder à une arrestation, le secret et le recours à la ruse étaient de rigueur afin d’éviter les fuites et de prévenir toute velléité de résistance, surtout lorsqu’il s’agissait d’arrêter un grand nombre de personnes en un même lieu. Dans pareils cas, Duch, selon ses dires, chargeait Hor de parler au responsable de l’unité concernée pour « calmer le personnel » et faire en sorte qu’il fasse preuve de méthode dans les arrestations.

Arrestation des civils ou soldats Vietnamiens

437. Les civils ou soldats vietnamiens étaient généralement arrêtés dans la principale zone de conflit – située le long de la frontière avec le Vietnam – ou à proximité. L’ancien commandant militaire [CAVIARDÉ] déclare : « les soldats vietnamiens arrêtés à la frontière à proximité de Svay Rieng et de Prey Veng ont été envoyés à Phnom Penh. Ils ont transité d'abord par le quartier général de division où Rèn décidait des mesures à prendre vis-à-vis de ces Vietnamiens. (…) Je pense qu'ils ont été envoyés à Duch, à S-21 mais je n'en suis pas sûr car à ce moment-là nous étions, disons, dans un monde obscur. Nous ignorions ce qui se passait réellement et les déplacements étaient très restreints ».

438. Il apparait que, si ce n’est tous, certains des civils et soldats vietnamiens arrêtés dans la zone principale du conflit ont été détenus à S-21. Duch explique qu’il était informé seulement de leur arrivée, comme de celle des autres prisonniers, sous la forme de listes et que S-21 n’avait jamais eu à s’occuper du transport des Vietnamiens depuis le théâtre des opérations. Cette allégation est contredite par Him Huy, qui a déclaré qu’en 1977 et en 1978, Duch l’avait dépêché à deux reprises sur le front à Svay Rieng pour escorter des soldats vietnamiens à S-21. De plus [CAVIARDÉ], a déclaré qu’il avait été envoyé pour travailler à la frontière en 1977 et avait vu des membres du personnel de S-21 transporter des prisonniers de guerre vietnamiens dans des camions de S-21, depuis le théâtre des opérations1896. Arrestation du personnel de S-21

439. Des membres du personnel ont également été arrêtés. Ils étaient alors, soit envoyés à S-24 pour y être rééduqués1897, soit incarcérés à S-21. Les cadres pouvaient être envoyés à S-24 en cas d’infraction mineure, en particulier lorsqu’une personne de leur connaissance était détenue à S-21. Pour des fautes plus graves, telles le fait de laisser survenir une évasion, ou encore le suicide ou le décès d’un prisonnier avant la fin de son interrogatoire, le responsable était qualifié de traître à la révolution et arrêté. Cependant, certains témoins laissent entendre que la majorité des membres du personnel de S-21 qui ont été arrêtés, et plus particulièrement ceux provenant de la Division 703, l’ont été sans pour autant avoir commis une faute grave.

440. Un ancien garde a déclaré que seul Duch pouvait donner l’ordre d’arrêter un membre du personnel au sein de S-21. Duch, quant à lui, fait valoir que si « la première forme de purge (envoyer un membre du personnel à S-24) était de la compétence de S-21, à l’inverse, pour la deuxième forme de purge, (incarcérer un membre du personnel à S-21) la décision relevait de Son Sen ou de Nuon Chea par la suite».

Conditions de détention

441. Des prisonniers arrivaient presque quotidiennement à S-21 en groupe et à toute heure du jour et de la nuit. L’unité spéciale les faisait entrer dans la prison, généralement menottés et les yeux bandés. Les intéressés étaient alors enregistrés par l’unité de documentation. Ils devaient ensuite fournir des renseignements sur leur biographie et un résumé de leurs réponses était établi. Le plus souvent, ils n’étaient pas informés des raisons de leur arrestation. À leur arrivée, les prisonniers étaient aussi pris en photo. Ils étaient ensuite conduits dans leurs cellules par les gardiens.

442. Les prisonniers étaient enfermés pratiquement 24 heures sur 24. Le centre de détention comprenait de petites cellules individuelles et des cellules collectives contenant de 20 à 30 détenus, voire plus. Dans les cellules collectives, les prisonniers étaient aux fers, enchaînés par les pieds les uns à coté des autres\4. Les femmes détenues n’étaient pas aux fers, à l’exception de celles qui se montraient récalcitrantes. Les couples et les familles, y compris les enfants, étaient séparés. Tous les prisonniers étaient continuellement placés sous la surveillance de gardes armés, qui recevaient des instructions très strictes pour éviter toute tentative d’évasion. Bien qu’un certain nombre d’anciens gardiens aient affirmé qu’ils n’étaient pas autorisés à frapper les détenus, cette règle n’a pas toujours été respectée.

443. Les prisonniers n’étaient pas autorisés à parler entre eux ni à s’adresser aux gardiens. À leur arrivée à S-21, ils étaient forcés de se déshabiller, ne gardant que leurs sousvêtements. Il leur était interdit de faire de l’exercice ou de quitter leurs cellules. Aucun prisonnier ne disposait d’un lit et la majorité des détenus devaient dormir à même le sol en béton. De nombreux détenus ont fortement souffert de piqûres de moustiques. Les détenus n’étaient pas autorisés à se laver dans des conditions d’hygiène satisfaisante et la « toilette » consistait à asperger la pièce au moyen d’un tuyau d’arrosage par l’embrasure de la porte. Confinés dans leurs cellules, les détenus n’avaient d’autre choix que d’uriner et déféquer dans les bidons et les boîtes de munitions mis à leur disposition.

444. La nourriture était insuffisante et inadéquate et les prisonniers étaient sous-alimentés. Seuls les gardiens et les prisonniers importants étaient mieux nourris que les autres. Ces conditions généraient, pour bon nombre d’entre eux, un délabrement physique important, auxquels certains ne survivaient pas. Duch explique que les décisions concernant le régime alimentaire étaient prises par « l’échelon supérieur » et qu’il n’avait pas le droit de modifier les rations fixées. Selon lui, la pratique consistant à priver les détenus de nourriture répondait à une politique délibérée du PCK.

445. Beaucoup de prisonniers souffraient de maladie et de blessures. Les soins médicaux de base1938 étaient administrés par une petite équipe « médicale » qui n’avait pas étudié la médecine et travaillaient sans la supervision de médecins. Nombre de ceux qui avaient besoin d’une assistance médicale urgente étaient laissés sans surveillance ou recevaient un traitement inadéquat. Les stocks de médicaments étaient extrêmement limités et, quand il y en avait, il s’agissait de médicaments fabriqués localement par des personnes non qualifiées. Les employés de S-21 ont également pratiqué des expérimentations médicales sur des prisonniers.

446. Certains détenus, en nombre très limité, ont été forcés à travailler dans l’enceinte de S-21, dans les ateliers des artistes et des mécaniciens, pendant de longues heures, sous la surveillance constante des gardiens, sans liberté de mouvement et sous la menace d’être puni s’ils ne produsaient pas un travail jugé satisfaisant. Tous les témoins ont indiqué que leur alimentation et, d’une façon générale, leurs conditions de détention s’étaient légèrement améliorées une fois qu’ils avaient commencé à travailler.

447. Les prisonniers vivaient dans la peur permanente d’être punis, emmenés, battus, interrogés et exécutés. Les conditions de vie décrites ci-dessus ont dans bien des cas provoqué la mort des détenus. Certains prisonniers ont aussi tenté de se suicider en raison de ces conditions.

Interrogatoires

448. La majorité des prisonniers détenus à S-21 ont été systématiquement interrogés. Ces interrogatoires étaient menés par le personnel de S-21 agissant en leur qualité officielle. Une fois les prisonniers répartis, les interrogateurs allaient chercher les prisonniers dans leurs cellules et les conduisaient, les mains menottées et les yeux bandés, vers les salles d’interrogatoire. Les prisonniers devaient fournir leur biographie aux interrogateurs et s’expliquer sur les accusations qui avaient conduit à leur arrestation. Tous les interrogatoires n’aboutissaient pas à des aveux écrits et aucune règle générale ne fixait le nombre d’interrogatoires que pouvait subir un détenu ou la durée de ceux-ci. Les séances d’interrogatoire ne s’achevaient que lorsque les aveux rédigés par le prisonnier étaient jugés « satisfaisants » et les prisonniers pouvaient être interrogés à maintes reprises et sommés de réécrire plusieurs fois leurs aveux.

449. Duch ou le personnel de S-21 avait en général autonomie pour décider de l’usage ou non de violence et de mauvais traitements, sauf pour les prisonniers importants ou ceux pour lesquels les supérieurs avaient un intérêt particulier, auquel cas ces derniers donnaient des instructions spécifiques.

450. Duch a expliqué qu’il avait instauré trois méthodes d’interrogatoire réparties entre les différentes équipes d’interrogateurs : la méthode « froide », la méthode « chaude » et la méthode « de mastication ». La méthode froide consistait à interroger un prisonnier en usant de la propagande, sans avoir recours à des mauvais traitements ou à des insultes. La méthode chaude incluait explicitement les « injures, coups, ou autres tortures autorisés par le règlement ». La méthode « de mastication » était une technique intermédiaire consistant « à expliquer gentiment, pour établir un lien de confiance puis à implorer la personne interrogée, en l’invitant à écrire avec insistance », les mauvais traitements étant aussi autorisés.

451. L’usage de mauvais traitements durant les interrogatoires était fréquent et est reconnu par Duch et les interrogateurs; il est confirmé par de nombreux documents émanant de S- 21. Deux anciens prisonniers de S-21, Chum Mey et Bou Meng, ont expliqué avoir été gravement maltraités pendant leur interrogatoire, faits qu’ils ont décrit avec précision tant pendant l’instruction que devant la Chambre de première instance. Il s’avère que les mauvais traitements gagnaient en cruauté lorsque le détenu ne livrait pas les aveux escomptés et tout aveu insuffisamment précis ou ne mentionnant pas le nom d’un autre « traître » était jugée inacceptable.

452. Les interrogateurs utilisaient plusieurs formes de torture pour arracher des aveux aux détenus. Selon Duch, quatre méthodes étaient autorisées : les coups, l’électrocution, le sac en plastique sur la tête et verser de l’eau dans le nez. Cependant, il apparaît qu’au-delà de ces quatre méthodes, d’autres formes de mauvais traitements ont été pratiquées, dont certaines interdites à S-21 selon Duch. Ainsi les ongles des doigts et des orteils de personnes interrogées ont été percé et arrachés ; au moins un prisonnier aurait été forcé de manger des excréments et d’autres à boire leur urine; la techniques de l’eau froide et du ventilateur ainsi que celle consistant à déshabiller les prisonniers et à leur envoyer des décharges électriques sur les parties génitales et sur les oreilles ont aussi été des méthodes utilisées. La pratique consistant à forcer les détenus à rendre hommage à des images de chiens affublés de la tête d’Ho Chi Minh ou de Lyndon B. Johnson a été considérée par la Chambre de première instance dans le jugement Duch comme entraînant une humiliation profonde et des souffrances mentales graves dans le contexte culturel cambodgien. En outre, Vann Nath s’est rappelé avoir vu un gardien emmener un prisonnier vers un portique, le suspendre par une corde et plonger sa tête dans une jarre remplie d’eau. Duch et les interrogateurs ont eu également recours à la propagande, au mépris, à des bluffs et à des menaces dans le but d’obtenir des aveux.

453. Les conséquences physiques des tortures et mauvais traitements durant les interrogatoires (lacérations, saignements, contusions, ecchymoses, pertes de conscience, ongles de doigts et d’orteils arrachés) étaient à ce point visible que presque tous les anciens employés de S-21 interrogés ont reconnu que, même sans avoir personnellement assisté à des séances de torture, ils savaient que de tels actes étaient pratiqués. Ces sévices corporels ont, dans certains cas, été d’une gravité telle que les prisonniers en mouraient. Duch reconnaît que de tels excès se sont bien produits, ajoutant qu’il avait organisé une séance d’étude pour remédier à cette situation.

454. L’usage de mauvais traitements pendant les interrogatoires avait pour objet d’obtenir une réponse « complète », incluant les crimes dont le prisonnier était accusé et les noms d’autres ennemis présumés du régime. S’agissant des prisonniers vietnamiens, Duch précise que l’objectif était d’obtenir des aveux établissant la preuve « que le Vietnam avait envahi le Cambodge pour l’intégrer dans une fédération indochinoise ». Les interrogatoires des prisonniers vietnamiens, contrairement à ceux des cambodgiens, étaient souvent enregistrés sur bande magnétique et leurs aveux étaient ensuite diffusés à la radio à des fins de propagande. L’interrogatoire des prisonniers vietnamiens avait également pour objectif d’obtenir des renseignements militaires.

455. S-21 avait pour fonction primordiale d’arracher aux détenus des aveux devant servir à démasquer d’autres réseaux de traîtres potentiels et Duch déclare que « le contenu des confessions [était] le travail le plus important de S-21 ». Le plus souvent, ces aveux se présentaient sous la forme d’une autobiographie politique rédigée par le détenu, qui, sous la contrainte, finissait par se dénoncer et par mettre en cause d’autres traîtres agissant pour le compte des services secrets de puissances étrangères considérées comme des ennemis de la révolution cambodgienne. La « vérité » que devaient révéler les aveux était, à bien des égards, définie à l’avance puisque les interrogateurs, qui avaient reçu pour instruction de la part de Duch d’établir l’existence de liens avec la CIA, le KGB et/ou les Vietnamiens, forçaient les détenus à fournir des réponses prédéterminées. 

456. Les aveux écrits obtenus par les interrogateurs étaient transmis à Duch avec leur rapport d’interrogatoire. Il lisait, analysait, annotait et résumait méticuleusement la plupart de ces aveux, pour ensuite en faire part à ses supérieurs.

Viol à S-21

457. Dans le jugement Duch, la Chambre de première instance a conclu qu’un cas de viol s’était produit à S-21. Un membre du personnel de S-21 avait, au cours d’un interrogatoire, introduit un bâton dans le vagin d’une détenue. Après que le viol lui eut été rapporté, Duch s’est, d’après ses dires, entretenu de cet incident avec Hor. Il affirme avoir sommé Hor de sermonner le contrevenant. Duch précise qu’il a informé ses supérieurs de cet incident, mais n’a pas reçu de réponses. Il n’a donc pas puni l’auteur du viol, mais s’est contenté de l’affecter à l’interrogatoire d’une autre personne. Il a également demandé que ce soit désormais les épouses de cadres qui interrogent les femmes prisonnières, mesure qui a été mise en œuvre. Prak Khan indique cependant que ces interrogatrices ont toutes finalement été arrêtées et qu’à partir de 1977 au plus tard, les femmes prisonnières ont à nouveau été interrogées par des hommes.

458. De plus, la partie civile [CAVIARDÉ] a déclaré lors de son audition qu’elle avait été violée au cours de sa détention à S-21 en 1977 par un garde qu’elle a reconnu lors du procès de Duch devant les CETC. Le viol a eu lieu dans une cellule individuelle alors qu’elle était enchainée et l’acte a conduit à des saignements vaginaux pendant plusieurs jours consécutifs. Le garde en question l’a également menacé de la tuer si elle parlait du viol à quiconque. Dans le cadre du jugement Duch, la Chambre de première instance a rejeté la demande de constitution de partie civile de [CAVIARDÉ] estimant que les éléments de preuve qu’elle avait fournis ne permettait pas de conclure notamment qu’elle avait été détenue à S-21. Suite à cette décision de rejet, les faits décrits ci-dessus, distincts de ceux évoqués à l’audience, sont apparus et ont conduit les co-juges d’instruction à procéder à une nouvelle audition dans le cadre de ce dossier. Suite à ce nouvel acte d’instruction, les co-juges d’instruction estiment que les clarifications apportées par cette partie civile apparaissent crédibles et suffisantes selon le critère requis à ce stade de la procédure.

459. Des éléments tendent à montrer que d’autres viols ont été commis à S-21 en particulier le viol par l’interrogateur [CAVIARDÉ] d’une détenue. Dans le jugement Duch (dossier 001), la Chambre de première instance a néanmoins considéré « que la réalité des faits relatifs à cette allégation de viol n’a pas été suffisamment démontrée selon le critère requis». 

Exécution des prisonniers

460. Plus de 12 273 détenus ont été exécutés à Choeng Ek, dans ou à proximité de l’enceinte de S- 21 ou moururent en raison des conditions de détentions à S-21.

461. Dans le jugement Duch, la Chambre de première instance note « Aucun des détenus emprisonnés dans le centre S-21 ne devait être relâché, puisqu’ils devaient tous être exécutés conformément à la politique du PCK visant à « écraser» tous les ennemis». Duch a déclaré qu’un prisonnier pouvait être exécuté soit en application des instructions de ses supérieurs, en particulier pour les exécutions en masse, soit sur la base d’une décision de sa part en application de la ligne générale du Parti qui voulait que tous les prisonniers soient exécutés.

462. Plusieurs témoins confirment qu’au sein de S-21, la décision d’exécuter les prisonniers était prise ou transmise par Duch. Duch explique qu’il avait tout d’abord délégué à Hor la responsabilité des exécutions mais que, à la suite d’un incident ayant entraîné le décès d’un prisonnier avant que son interrogatoire ait pu être mené à son terme, Son Sen a exigé que Duch avalise chaque exécution. En général, les détenus étaient exécutés lorsque Duch estimait que leurs aveux étaient terminés. Duch reconnaît toutefois qu’il avait le pouvoir de retarder l’exécution de certains prisonniers lorsqu’il s’agissait d’ouvriers qualifiés.

Exécutions à Choeng Ek

463. Les prisonniers étaient transférés en camion à Choeng Ek par l’unité spéciale, par groupe de 30 à 40. Ils étaient amenés, menottés et les yeux bandés, vers les camions et étaient sous le contrôle strict des gardes pendant le transport. La destination réelle était cachée aux prisonniers et on leur disait qu’on les transférait dans un autre centre.

464. Un petit nombre de gardiens étaient stationnés en permanence sur le site de Choeng Ek; leur mission consistait à protéger la confidentialité du site, creuser des fosses et ensevelir les corps des détenus. Ces gardiens étaient rejoints par ceux qui accompagnaient les prisonniers sur place. Lorsque les camions arrivaient à Choeng Ek, les prisonniers étaient parqués dans une maison. Les gardiens les faisaient ensuite sortir un par un, en leur disant qu’on les transférait dans une autre maison. Him Huy inscrivait dans un registre les noms des prisonniers avant qu’ils ne soient conduits aux fosses pour y être sommairement exécutés.

465. Plusieurs témoins ont déclaré que les prisonniers recevaient sur la nuque un coup de barre de fer, d’essieu de char à bœufs ou de tube de conduite d’eau. Les gardiens les éventraient ou leur tranchaient la gorge et les détenues étaient ensuite poussés à coups de pied dans la fosse, après quoi l’on retirait leurs menottes et les bandeaux. Une fois les exécutions terminées, les gardiens recouvraient les fosses.

466.Bien que certains témoins aient nié avoir vu des enfants sur ce site, au moins l’une des fosses découvertes aurait contenu des squelettes d’enfants. Pendant la reconstitution effectuée sur le site, Duch affirme qu’il ignorait de quelle manière on tuait les enfants à Choeng Ek, tout en ne contestant pas que des enfants y étaient bien exécutés.

467. Son Sen et Nuon Chea ont ordonné des exécutions en masse de prisonniers à plusieurs reprises. Ces exécutions ont eu lieu à Choeng Ek plusieurs jours de suite. Le plus souvent ces prisonniers étaient exécutés immédiatement après leur arrivée à S-21, sans subir d’interrogatoires. Certaines de ces exécutions de masse résultaient de purges opérées au sein du PCK et de l’ARK. Selon Duch, au début de l’année 1977, un nombre important de cadres de la Zone Centrale (ancienne Zone Nord), de Phnom Penh et de l’ARK ont été exécutés à la suite de l’arrestation de Koy Thuon. Au début de l’année 1978, il y a eu des exécutions de cadres de la Zone Ouest, suivies par celles de cadres de la Zone Nord-Ouest. Plus tard, en décembre 1978, environ 300 prisonniers de la Zone Est accusés de rébellion ont été directement envoyés à Choeng Ek et exécutés. Duch a ajouté que, le 2 ou le 3 janvier 1979, Nuon Chea lui avait ordonné d’exécuter tous les prisonniers détenus à S-21. Environ 200 personnes (Cambodgiens et Vietnamiens) avaient ainsi été transférées à Choeng Ek puis exécutées.

Exécutions dans ou à proximité de l’enceinte de S-21

468. Duch et plusieurs témoins ont indiqué que, même après que Choeng Ek fut devenu le principal site d’exécution, l’exécution de certains détenus, notamment des enfants, des anciens membres du personnel de S-21, des prisonniers importants ainsi que des étrangers, a continué dans ou à proximité de l’enceinte de S-21.

469. Duch a parfois demandé qu’on prenne en photo le cadavre de certains prisonniers importants, après leur exécution. Ces clichés, expressément demandés par Son Sen ou Nuon Chea, étaient destinés à apporter la preuve que ces prisonniers avaient bien été exécutés.

470.Certains des prisonniers étrangers détenus à S-21 ont été exécutés à proximité de l’enceinte de S-21. Ainsi, en 1978, entre le boulevard Mao Tse Toung et le quartier Boeng Tumpung, quatre étrangers ont été exécutés et leurs corps brulés en utilisant des pneus sur instruction spécifique de Nuon Chea, afin de faire en sorte que les corps ne puissent pas être retrouvés.

471. Certains enfants amenés à S-21 étaient exécutés dans l’enceinte même du centre. Les enfants en bas âge étaient généralement exécutés immédiatement après avoir été séparés de leurs parents, quoique certains d’entre eux aient connu un court répit avant leur exécution. Duch indique que c’était le dénommé Peng, membre du personnel de S-21, qui était chargé de leurs exécutions.

472. Quatre combattants appartenant à une unité militaire qui, selon les souvenirs de Duch, était désignée sous le nom de code Yo8, ont également été tués en marge des dernières exécutions de masse commises le 2 ou 3 janvier 1979. Duch indique que ces hommes ont été tués par l’interrogateur [CAVIARDÉ] à coups de baïonnette, le 7 janvier 1979, et que ce sont leurs cadavres, toujours enchaînés à leurs lits, que les soldats vietnamiens ont découverts en arrivant à S-21.

Prélèvement de sang

473. Certains prisonniers de S-21 sont morts après que les médecins du centre leur eurent prélevé une grande quantité de sang et Duch reconnait que le nombre de prisonniers tués de cette manière s’élève au moins à 100. Prak Khan a déclaré qu’on les faisait se coucher sur le dos sur un lit et qu’on retirait ensuite leurs menottes, tout en entravant leurs pieds et en bandant leurs yeux. Une aiguille était alors insérée dans leurs veines, leur sang était prélevé jusqu’à ce que mort s’ensuive et un véhicule transportait les cadavres à Choeng Ek. Le sang prélevé des prisonniers était ensuite envoyé dans des hôpitaux, en particulier afin de transfuser les soldats de l’ARK blessés lors des combats avec le Vietnam.

474. Duch a contesté dans un premier temps avoir joué le moindre rôle dans cette pratique consistant à vider des détenus de leur sang. Il a déclaré que si une telle méthode était effectivement appliquée à S-21, cela devait être une « continuation de ce qui se pratiquait quand Nat était le chef ». Lors d’auditions ultérieures, il a déclaré qu’il ne pouvait nier que des prisonniers de S-21 aient pu être drainés de leur sang, mais a maintenu qu’il n’avait jamais été au courant de cette pratique. Finalement devant la Chambre de première instance, il a précisé que cette pratique avait été instaurée conformément aux ordres de Son Sen et qu’elle avait cessé une fois que tous les membres de l’unité médicale eurent euxmêmes été exécutés.